dimanche 9 juin 2013

Un dieu s'est mis à mort

Le parquet grince, l'homme traverse la pièce, le pas pesant sous l'habitude. Il perçoit à peine cette odeur d'encaustique qui le ramène à son passé, dans ces couloirs où nait l'oubli. Ce passé si tenace, comme la pluie colle aux carreaux. Il va partir, sans un regret, sans un mot, englué de solitude.

Il craque une dernière allumette... Sa main tremble... La cigarette du condamné... Chaque geste le renvoi à une image d'autrefois... dérisoire... Dernières inspirations, même la fumée le dégoute, sa main écrase le mégot, comme on met fin à une vie. Une dernière hésitation, puis il ouvre le tiroir, observe l'arme... l'éclat de l'acier le fascine. Une odeur de vieux papiers lui parvient, lointaine...

Il est seul, lucide et détaché, observant sa main se tendre vers le pistolet automatique... comme si ce n'était pas la sienne. Le froid de l'arme le surprend, son poids aussi, irréel... comme cette mort qui se dessine. Dans la balance, le poids de ces années à ne pas savoir vivre, à ressasser l'inutile.

D'un geste il fait claquer la culasse, le destin est en route... l'heure est au choix. D'un doigt il repousse la sécurité. Dernière étape.. ne pas penser... juste en finir.

Le canon appuyé contre la peau, ultime sensation, index crispé sur la détente...Dernier regard à ce vide, à ce manque et à cette angoisse qui grandit....et puis soudain la lumière blanche et le fracas et puis le noir.

Tout hébété l'homme réalise qu'il est en vie...L'orage a fait écho avant son geste...Et à ses yeux monte une averse.



© Copyright Merle Bleu


4 commentaires:

  1. L'orage vient de sauver une vie !

    Douce soirée Pierre
    Pensées amicales

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  2. Heureusement le destin tourne dans le bon sens.
    Bel écrit, merci Pierre.
    Amitiés, bise,

    Liz

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