samedi 6 avril 2013

Le veilleur de nuit



Un homme au pas lent cheminait dans la nuit. Il traînait derrière lui des morceaux d'hier, des éclats de vie. Il marchait en titubant vers la lumière sur un chemin de scories. Parfois ses jambes s'effaçaient sous lui, mais toujours il se relevait et reprenait sa route.

Au cours de sa longue nuit, il découvrit une petite clairière qu'un bûcheron avait saccagé. Au beau milieu, il vit un tas de cendres. Grelottant, il s'approcha et entendit un murmure, une plainte sourde qui s'élevait vers lui. Au plus près des restes du foyer, il perçu une infime chaleur. Approchant ses lèvres de cette source, il souffla doucement et vit naître une lumière ténue. Il continua tout ému à souffler sur la braise et découvrit qu'il s'agissait d'un cœur qui rougeoyait encore. Au milieu de ce cœur, il perçu une trace sombre, comme une cicatrice où le rouge avait fuit. Il chercha des mots tendres, des mots de guérisseur que son âme réchauffée lui dictait. Il cru voir doucement s'effacer la souffrance et une troublante chaleur l'envahit.

De ce cœur, il vit pousser des ailes en partance, ce cœur s'envolerait au petit jour. Il sentit alors cette souffrance des racines de son enfance dont l'amour avait fui. Il fut pris d'un délire, imaginant qu'il soufflait sur la braise, que ce cœur s'enflammait et le sien avec lui.

Alors qu'il s'envolait dans ses rêves vers de blancs horizons, il se souvint brusquement qu'il n'avait rien à offrir, que ce cœur avait ses propres horizons. Il était juste là pour veiller jusqu'au petit jour, il était le veilleur de nuit, le veilleur de vie.


© Copyright Merle Bleu

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